【CNRS Le Journal】« À Fukushima, la population est dans une situation inextricable » / At Fukushima, the population is in an inextricable situation / 福島の住民は錯綜した状況に置かれている

11.03.2015, par Louise Lis

Logements provisoires pour personnes déplacées à Minamisoma, Japon.

Logements provisoires pour personnes déplacées dans la municipalité de Minamisoma, dans la région de Fukushima.
Quatre ans après l’explosion d’une centrale nucléaire à Fukushima, le sort des populations concernées est loin d’être réglé. La chercheuse Cécile Asanuma-Brice décrypte la politique qui vise à inciter ces personnes à réintégrer les zones encore contaminées.

Résidente au Japon depuis près de quinze ans, Cécile Asanuma-Brice travaille au bureau du CNRS à Tokyo et est chercheuse associée au centre de recherche de la Maison franco-japonaise de Tokyo et au Laboratoire international associé « Protection humaine et réponse au désastre » (HPDR) créé par le CNRS et d’autres institutions françaises et japonaises, à la suite de la catastrophe de Fukushima. Le 11 mars 2011, un tremblement de terre suivi d’un tsunami avait provoqué l’explosion, le lendemain, d’une centrale nucléaire dans cette région.

 

Combien de personnes restent déplacées ? Dans quelles conditions vivent-elles ?
Cécile Asanuma-Brice :
Le gouvernement japonais fait état de 118 812 personnes déplacées1, dont 73 077 à l’intérieur du département de Fukushima et 45 735 à l’extérieur, ce qui représente une baisse puisque les mêmes statistiques officielles affichaient 160 000 personnes déplacées en 2011, quelques mois après la catastrophe. En réalité, le nombre de personnes déplacées est bien plus élevé que cela. Car le système d’enregistrement mis en place par l’Administration est extrêmement contraignant et une partie non négligeable des habitants n’a pas voulu s’y plier. J’ai personnellement interviewé plusieurs familles regroupées au sein d’associations qui ont refusé cet enregistrement, car cela aboutissait à leur faire perdre des droits, notamment quant à la gratuité de leur suivi médical.

Dans un premier temps, le gouvernement japonais a ouvert à la gratuité le parc des logements publics vacants sur l’ensemble du territoire aux personnes qui souhaitaient s’installer ailleurs. Cette mesure était positive, même si elle ne s’est pas accompagnée de politiques d’aide à l’emploi qui auraient permis une intégration durable des nouveaux migrants dans les territoires d’accueil. En outre, cette directive a pris fin en décembre 2012. Simultanément, des logements provisoires ont été construits mais en partie sur des zones contaminées selon la carte de répartition de la contamination produite par le ministère de la Recherche du gouvernement japonais.

Dans la loi, la vie dans ces logements est limitée à deux ans en raison de l’inconfort des lieux. Mais le provisoire est en train de durer. Les réfugiés qui vivent sur ces terrains vacants aux marges des villes ont à leur charge la consommation d’électricité, de gaz et d’eau, et sont également contraints d’acheter les aliments qu’ils produisaient autrefois, la plupart d’entre eux étant fermiers. Le revenu de compensation de 100 000 yens (environ 750 euros, NDLR) par mois qui leur est versé par Tepco, l’entreprise de gestion de la centrale, est insuffisant pour couvrir ces frais. Enfin, des logiques de discrimination commencent à apparaître, pointant les réfugiés comme des « assistés », ce qui est extrêmement mal considéré dans un pays qui place très haut la valeur du travail.

A Futaba, photo d'un couple

Le 9 novembre 2013, M. Ônuma et son épouse sont venus déposer les os de leur défunt au temple de Futaba, leur ville d’origine aujourd’hui inhabitable à cause de la radioactivité. Sur le portique derrière eux, on peut lire : «Le nucléaire, l’énergie pour un futur radieux.»

Les populations expriment-elles le souhait de rentrer chez elles ? Quel est l’état d’esprit dominant ?
C. A.-B. : Beaucoup de familles sont installées loin de leur village d’origine tandis que les pères continuent de travailler dans le département où elles vivaient. Une majorité d’entre elles sont propriétaires de leur maison ou appartement ; elles ont emprunté pour cela et il leur est par conséquent très difficile de tout abandonner sans l’application d’un droit au refuge, soit l’assurance d’une compensation financière et d’une aide à la recherche d’emploi dans la région d’accueil. Cela serait envisageable si l’on considère les sommes faramineuses consacrées à la décontamination inefficace des territoires. Ces habitants sont mis dans une situation inextricable et cela se traduit par un taux de divorce élevé, de même que celui des suicides et des dépressions nerveuses…

Néanmoins, le gouvernement entretient soigneusement l’idée d’un retour possible et tend à rouvrir progressivement les zones qui étaient interdites à l’habitation. Ainsi, la zone de réglementation spéciale qui recouvrait les neuf collectivités locales autour de la centrale a été totalement supprimée, ce qui recouvre une population de 76 420 personnes. Un peu moins de deux tiers d’entre elles – 51 360 personnes exactement – se trouvent dans la zone de « préparation à l’annulation de la directive d’évacuation » – dont le taux de contamination est en deça de 20 millisieverts (mSv) –, ce qui signifie qu’elles peuvent se déplacer librement dans cette zone durant la journée afin d’entretenir leur habitat ou d’y travailler. L’annulation de la directive a été effective en partie en 2014. Dans la zone de restriction de résidence, qui concerne 25 % des habitants (19 230 personnes), il est permis d’entrer et de sortir librement pendant la journée mais pas de travailler.

En février 2012, des citoyens se sont rendus au parlement afin de demander le vote du droit au refuge. La loi de protection des victimes du désastre sera votée en juin de la même année mais restera vide de toute prérogative…

Vous dénoncez l’abus du concept de résilience, utilisé pour, dites-vous, « assigner la population à demeure ».
C. A.-B. : Pour convaincre les gens de revenir, les pouvoirs publics s’appuient sur le concept de résilience qui fait, en l’espèce, l’objet d’un abus épistémologique : des approches concernant la résilience psychologique, écologique et urbaine sont mélangées afin de suggérer l’abandon de la fuite à ceux qui obéiraient encore à leur instinct primaire d’angoisse face aux dangers ! La communication sur le risque joue un rôle important pour faire passer ce concept de résilience. Il faut faire admettre que nous vivons désormais dans « la société du risque » pour reprendre le titre d’un ouvrage d’Ulrich Beck qui a théorisé cette idée. La société du risque, selon lui, c’est une société où l’état d’exception menace d’y devenir un état normal. Dans le cas présent, les normes de protection sont bouleversées pour limiter la surface de la zone d’évacuation et permettre l’illusion d’un retour à la normal.

Le gouvernement entretient soigneusement l’idée d’un retour possible et tend à rouvrir progressivement les zones qui étaient interdites à l’habitation.

Ainsi, le taux de radioactivité dans l’air comme au sol excède par endroits dix à vingt fois le taux de contamination internationalement admis comme acceptable pour la population civile, soit 1 mSv/an. Dès avril 2011, les autorités ont relevé cette norme à 20 mSv/an dans la région la plus polluée, et il est actuellement question de la relever à 100 mSv/an ! Même chose dans l’alimentation, où le taux d’acceptabilité maximal de la radioactivité a varié. Cette stratégie de communication a disposé en 2014 d’un budget de plus 2 millions d’euros qui ont permis, si j’ose dire, « d’éduquer » aux risques sanitaires pour mieux rassurer, par le biais, par exemple, de l’organisation d’ateliers sur la radioactivité et le cancer destinés aux écoliers de classes primaires de la région de Fukushima, de la distribution de manuels scolaires apprenant à gérer la vie dans un environnement contaminé, ou encore de campagnes télévisuelles pour des produits frais en provenance de la zone contaminée vantant l’efficacité de la décontamination, qui n’a toujours pas été prouvée.

Fruits et légumes en provenance de la région de Fukushima et mis en vente

Publicité pour la vente de fruits et légumes en provenance de la région de Fukushima. En haut et en orange, il est écrit : «Soutenons les agriculteurs de Fukushima !»

 

Cette stratégie repose sur un programme déjà appliqué à Tchernobyl.
C. A.-B. : Les acteurs impliqués dans la gestion du désastre japonais sont en partie les mêmes que ceux qui ont « géré » la crise nucléaire de Tchernobyl. C’est le cas notamment de Jacques Lochard, directeur du CEPN (Centre d’étude sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire), ainsi que du docteur Yamashita Shunichi, membre de la commission d’enquête sanitaire, l’un des premiers à avoir prôné le relèvement de la norme de sécurité à 100 mSv/an, ou encore du professeur Niwa de l’université médicale de Fukushima. Ce psychiatre argumente en faveur d’un retour des habitants en réponse aux taux de dépression et de suicide croissants liés à la douleur de l’éloignement de leur pays natal. De fait, les réfugiés sont privés de liberté de décision sur leur propre sort puisqu’on ne leur donne ni les moyens de pouvoir partir ni ceux de se réintégrer totalement. Autrement dit, on les contraint à devoir gérer leur quotidien dans un environnement contaminé. C’est justement l’objet du programme Ethos Fukushima, qui fait suite au programme Ethos Tchernobyl, l’un comme l’autre dirigés par Jacques Lochard et dans lesquels les docteurs Yamashita et Niwa jouent un rôle fondamental. Ce programme est basé sur le calcul du coût/bénéfice en matière de radioprotection et vise à apprendre aux habitants à gérer leur quotidien dans un environnement contaminé, la migration étant jugée trop coûteuse.

Ville de Tomioka, à quelques km de la centrale nucléaire.

La ville de Tomioka, à quelques kilomètres de la centrale, a été rouverte à la résidence.

Ce programme a également pour but de relancer l’économie dans les régions touchées par la catastrophe, en incitant à la consommation de produits alimentaires issus des zones contaminées. Des accords sont ainsi passés avec des chaînes de supermarchés présentes sur l’ensemble du territoire et qui orientent leur distribution vers la vente d’articles quasi exclusivement en provenance des territoires touchés.

 

Comment réagissent les populations concernées ?
C. A.-B. : Ce lavage de cerveau fonctionne en partie, même si la résistance est de taille compte tenu de l’enjeu sanitaire. Il est vrai que cette politique de communication va très loin dans la manipulation des esprits. C’est ainsi que sont organisés des ateliers qui consistent à faire redécouvrir aux enfants qui sont partis la culture du terroir de leur origine. Du personnel administratif de la préfecture de Fukushima, entre autres des psychologues, prend donc contact avec des familles sur leur lieu de refuge, leur expliquant qu’ils souhaitent organiser des rencontres entre les enfants du même âge des anciennes classes dissolues de la région afin qu’ils ne perdent pas contact. Là, ils les font cuisiner ensemble en leur expliquant, notamment, la provenance de chaque ingrédient (par exemple le terroir des grands-parents). Ainsi, on crée la nostalgie chez l’enfant que l’on culpabilise d’avoir abandonné ses amis et son pays natal. Tout cela est créé de toutes pièces mais fonctionne malheureusement. L’enfant, alors qu’il commençait enfin à recréer de nouveaux repères dans sa ville d’accueil, rentre dans sa famille en demandant la date à laquelle ils retourneront chez eux, à Fukushima… Certaines familles ne sont pas dupes et luttent pour l’organisation de réseaux d’accueil des réfugiés qui visent à les aider à mieux s’insérer et organisent des séances durant lesquelles on explique les pièges dans lesquels il ne faut pas tomber.

Notes

  • 1.Résultats de l’enquête de la préfecture de Fukushima au 30 janvier 2015.

https://lejournal.cnrs.fr/articles/a-fukushima-la-population-est-dans-une-situation-inextricable

 


CNRS Journal

At Fukushima, the population is in an inextricable situation

Logements provisoires pour personnes déplacées à Minamisoma, Japon.
©T. MUNITA/The New York Times-REDUX-REA

Temporary shelters at the Ushigoe camp for people displaced by the Fukushima nuclear disaster in Minami Soma, Japan, Aug. 28, 2013.

 

Four years after the explosion of a nuclear power plant in Fukushima, the fate of the victims is far from settled. Researcher Cécile Asanuma-Brice decrypts the policy that encourages these people to resettle into contaminated areas.

Residing in Japan for nearly fifteen years, Cecile Asanuma-Brice is working at the CNRS office in Tokyo and is a researcher associate at the research center of the Maison Franco-Japonaise of Tokyo and the International Associated Laboratory of “Human protection and disaster response” (HPDR), created by the CNRS and other French and Japanese institutions, following the Fukushima disaster on March 11th 2011, when an earthquake and tsunami caused the explosion of a nuclear power plant in the region, the following day.

 

How many people remain displaced? What conditions do they live under?
Cécile Asanuma-Brice: The Japanese government reported 118,812 people displaced, including 73,077 within the Fukushima prefecture and 45,735 outside of it. It represents a decrease since the same official statistics showed 160,000 displaced persons in 2011, a few months after the disaster. In reality, the number of displaced people is much higher than that. Because the registration system, set up by the Administration is extremely restrictive and a significant part of the population did not participate. I personally interviewed several families gathered in various associations who refused to register, because it led them to lose rights, particularly with regards to their free medical care and follow up.

Initially, the Japanese government had made available public housing across the territory for victims wishing to relocate for free. This directive was positive, even if it was not tagged with comprehensive employment support that would have eased these migrants into their host habitat. However, this directive was terminated in December 2012. Simultaneously, temporary housing were built, but partly on contaminated areas, if we refer to the contamination distribution map produced by the Japanese Government Ministry of Research.

The law stipulates that life in these “temporary” units is limited to two years, given the unsuitableness of these housings. But what was to be temporary had become an ongoing ordeal. Refugees living on these public lands on the outskirts of the city pay for electricity, gas, water and found themselves having to buy food they were otherwise producing themselves – as most being farmers. The 100,000 yen monthly compensation income (about 790 dollars) paid to them by Tepco, the nuclear plant management company, is insufficient to cover these costs. Consequently, discrimination is setting in, pointing refugees as “leeches”, which is extremely frowned upon in a country that places such a high value on work ethics.

A Futaba, photo d'un couple
©M.Ônuma

November 9th, 2013, Mr. Onuma 大沼勇治 and his wife came to dispose of the bones of their family member in the temple of Futaba, their home town, which is today uninhabitable because of radiation. On the street banner behind them, we read: “The nuclear energy for a bright future 原子力 明るい未来の エネルギー.”

 

Do people express the desire to return home? What is the dominant state of mind?
C. A.-B. : Many families live far from their home villages, while fathers continue to work in the municipalities they lived in. A majority of them own their house or apartment; they have mortgages and it is therefore very difficult for them to give up everything without an official assistance for the right to evacuate, which would include financial compensations and help in securing employment in the hosting town. This actually could be made possible if we consider the huge amount of money being spent on ineffective decontamination practices. Furthermore, these people live in a constant state of uncertainty, which results in a high divorce rate, suicides and nervous breakdowns …

Nevertheless, the government nourishes these refugees with hopes of ​​a possible return and tends to gradually reopen areas that were previously prohibited to live. Thus, the special regulations of the nine local authorities around the plant have been completely removed, which covers a population of 76 420 people. Just under two-thirds of them – 51,360 people to be exact – are stuck in an area labeled “preparation to lift evacuation order” zone – wherein radiation level is below 20 millisieverts (mSv) – which means they can move freely within these parts during daytime to take care of their households or attend work. The cancellation of these regulations was put in effect in 2014. In the “residence restriction” zone, which covers 25% of the population (19 230 people), it is possible to get in and out freely during the day but not to work.


©C. ASANUMA-BRICE

February 2012 – Citizens went to the Parliament to call on a vote for the Right to Shelter. The law to protect victims of the disaster were to be voted in June of the same year, but remained empty of all prerogatives.

 

You condemn the abuse of the concept of resilience – as you mentioned – to confine the population into “house arrest”.
C. A.-B. : To convince people to return, governments rely heavily on this concept of resilience which, in this case, underlines an exploitation of an epistemological abuse. Intertwining psychological, environmental and urban resiliencies motivate residents to abandon any impulses of escaping – for those still following their primal instinct of anxiety in face of danger! To communicate on risks is important for this concept of resilience to thrive. We have to accept that we now live in a “risk society”, to quote a book title wherein Ulrich Beck theorized that idea. The risk society, according to him, is “a society where exceptional conditions threaten to become the norm”. In this case, protection standards are tampered with, to contain the spread of the zones to be evacuated and to nourish the illusion of an eventual return to normalcy.

Thus, levels of radioactivity in the air and on the ground in certain areas exceed 10 to 20 times the 1 mSv/year international standard of contamination allowed for the civilian population. By April 2011, authorities raised the standard to 20 mSv/year around the most contaminated areas and it is currently being pushed to 100 mSv/year! Same levels are implemented for food, for which the maximum standards also vary. This communication strategy was enforced in 2014 with a budget of over 2 million Euros, for the purpose of, dare I say, “educating” about health risks with hopes to restore confidence. For example, they organize workshops with topics on radiation and cancer for primary school children in Fukushima, distributing textbooks, teaching them how to adapt to their new contaminated environment. All this is made possible with the push of television campaigning for the safety of fresh products from contaminated areas, consequently touting the effectiveness of decontamination – which still has not been proven to this day.

Fruits et légumes en provenance de la région de Fukushima et mis en vente
© C. ASANUMA-BRICE

Advertising for the sale fruits and vegetables from the region of Fukushima. “Supporting farmers in Fukushima!

 

This strategy is part of a program already in use in Chernobyl
C. A.-B. : The players involved in the management of the Japanese disaster are partly the same ones who were involved into “managing” the nuclear crisis in Chernobyl. This is the case of Jacques Lochard, director of CEPN (Center for study on radiation protection in the nuclear field) and Dr. Shunichi Yamashita, a member of the health survey committee, one of the first to have advocated raising the safety standard to 100 mSv / year and Professor Niwa of the Fukushima Medical University. Pr. Niwa is a psychiatrist who is pushing for the return of refugees, in response to climbing rates of depression and suicide cases, which are related to the pain of being separated from their homeland.

Therefore, refugees are forced to take decisions on their own, while being fully aware they are not given the means to escape or to truly reintegrate for those wanting to stay put. In other words, they are forced to manage their lives in a contaminated environment. It is precisely the purpose of the program Ethos Fukushima, which follows the cursus of the Ethos Chernobyl program, both led by Jacques Lochard and in which Dr Yamashita and Dr Niwa play a fundamental role. This program is based on the calculation of cost/benefit analysis in radiation risk management and aims to guide people on how to manage their lives in a contaminated environment, while evacuation is being considered too expensive.

The other goal of ETHOS is to boost the economy in regions affected by the disaster, encouraging the consumption of food products originating from contaminated areas. Business agreements are dealt with chains of supermarkets throughout the territory, which then direct their main distribution towards the sale of these products almost exclusively.

Ville de Tomioka, à quelques km de la centrale nucléaire.
© C. ASANUMA-BRICE

The town of Tomioka, a few kilometers from the plant, was reopened for housing.
How do people react to this?
C. A.-B. : One must admit these methods of brainwashing are very efficient, despite a significant resistance facing this crucial health issue. Most assuredly, this©©©© communication scheme is very effective in manipulating people’s minds. Thus, workshops are organized for children evacuees to be reintroduced to their cultural land they left. Administrative staff from the Fukushima Prefecture, including psychologists, initiates contact with the families by traveling where they have evacuated to and request to them to participate in organized meetings between children of the same age, from shut down school classes in their region – so they don’t lose touch. Once they have returned, they make the children cook together, retracing, in particular, each ingredient’s origins (i.e   mentioning grandparent’s harvest etc….). Thus, it fills them with nostalgic childhood memories and affects them with a strong sense of guilt for having abandoned friends and communities. This is all very well-orchestrated and unfortunately works. Children who were finally beginning to recreate new benchmarks in their new environment, return to their parents after these meetings and end up asking them when will they be able to return home to Fukushima. Some families are not fooled by this scheme and fight back by organizing entire networks to guide refugees who seek help to better fit in and organize sessions where they also warn of pitfalls in which not to fall for.

 


 

2015年3月11日 CNRS(フランス国立科学研究センター)ジャーナル

 福島の住民は錯綜した状況に置かれている

Logements provisoires pour personnes déplacées à Minamisoma, Japon.
©T. MUNITA/The New York Times-REDUX-REA
南相馬市民向けの牛越の仮設住宅、2013年、8月。

 

福島原発の爆発から4年、それによる被災者の状況はお世辞にも改善されたとはいえない。研究者、セシル・アサヌマブリス(Cécile Asanuma Brice)氏が、未だ汚染されている地域に住民を帰還させようとする政府方針について解説する。

(在日15年、セシル・アサヌマブリスはCNRS(フランス国立科学研究センター)の東京支部で働く傍ら、日仏会館研究員、CNRSが設立した「人間防護と災害への答え」の国際研究所研究員などを兼任。)

 

Q、避難移住している被災者の数は?彼らの生活の実態は?

A、日本政府は現在11万8812人が避難移住していると公表しています。内訳は、福島県内に7万3077人、県外に4万5735人です。2011年(事故から数ヵ月後)の避難移住者数は16万人とされていたので、減少しています。ただし実際はもっと多いでしょう。なぜなら、行政機関が設置した登録システムは極めて束縛的で、無視できない数の移住者が登録を拒んでいるからです。複数の被災者家族の集まりで個人的に聞いた話では、彼らが登録を拒む理由は、様々な権利を失う、特に医療費が免除されなくなるからだと言います。

日本政府は当初、全国の公営住宅の空部屋を、移住を希望する人に無償で提供しました。就労支援対策が欠けていたとはいえ、それ自体は建設的な対応でした。2012年12月に提供が打ち切られると、仮設住宅がそれに取って代わりました。ただし、政府の研究班が作成した汚染分布図と照らし合わせてみると、その一部が汚染地域と重なっています。

法律では、それらの住宅での生活は、快適さを欠くため2年を超えてはならないとされています。ところが、仮設生活は長引いている。仮設住宅に住む避難者の光熱費や水道代は自己負担、農家だった彼らが自給してきた食品も今は買わざるを得ない。それらをやりくりするには、東電が支給する月10万円の収入では不十分です。ここにきて、避難者を《受給者》とみなす差別的な見方が広まり始めています。働くことが重要視される国においては、非常に偏見が強いことだからです。

A Futaba, photo d'un couple
©M.Ônuma

2013年、防護服と喪服を着込んだ大沼さん夫妻。納骨で福島県双葉町を訪れた際。撮影ポイントは「原子力 明るい未来のエネルギー」との看板が掲げられた町中心部へのゲート前。(河北新報)

 

 

Q,人々は帰還を望んでいますか?

A,家族を離れたところに住まわせ、父親だけがもとの居住地に残って働いている場合が多く見受けられます。その多くは一戸建てやマンションの家主で、ローンも残っている。金銭的な補償や就労支援などを含む正式な移住の権利が適用されない限り、すべてを放棄するのは困難です。効果のない除染に使われる膨大な費用をそこに当てるべきです。住民たちはめちゃくちゃな状況に置かれている。それは離婚率、自殺率、精神疾患の上昇に表れています。

ところが、政府は用意周到に帰還を即し、居住禁止区域などを少しずつ解除しています。それによって原発周辺の九つの警戒区域はすべて解除されました。7万6420人のが対象です。現在、その3分の2にあたる5万1360人が、放射線量が20ミリシーベルト以下の“避難指示解除準備区域”に属していて、日中は自由に屋外を移動したり、働いたりすることが許されています。これらの地域は2014年に避難指示が解除されました。また、被災者の25%にあたる1万9230人は、“居住制限区域”に属し、日中の出入りはできても働くことはできません。


©C. ASANUMA-BRICE

20122月—市民は議会で避難の権利を請求することによって原発事故子ども・被災者支援法が制定されましたが内容の主なテーマが取り込まれてないままです。

 

Q,あなたは、“不安をなくそうとする概念”が、住民を恒久的に(福島に)留まらせることに悪用されていると指摘しています。

A,住民を帰還させるために、公権力者は住民の不安を解消することにこだわっています。これは、認識学を悪用していると言えます。危機に直面したときに本能的に表れる恐怖を抱える人々に、逃げる必要はないとほのめかすために、心理・環境・社会的不安解消に対する取り組みをごちゃ混ぜにしているのです!人々を安心させるために重要な役割を果たしているのが、リスクコミュニケーション(※1)です。社会学者、ウルリッヒ・ベック(Ulrich Beck)の本のタイトルのように、私たちは今「リスク(危険)社会」を生きているということを認識させようとする。ベックのいう「リスク社会」とは、特異な状況を当たり前にしてしまう社会のことです。放射線量の基準値を二転三転させながら、非難指定区域を縮めたり元の生活に戻ったように錯覚させている状況がそれです。

(※1 社会を取り巻くリスクに関する情報を、行政・専門家・企業・市民などの間で共有し意思疎通をはかること)

同様に、空気中や地上の放射線量が、一般市民に対する年1ミリシーベルトという国際基準より10~20倍も高いところもあります。2011年4月の時点で、政府は最も汚染されている地域の上限値を年20ミリシーベルトまで引き上げました。そして今、それを更に100ミリシーベルトにまで引き上げようとしているのです!上限値がまちまちな食品に関しても同じことが言えます。これらの情報戦略のために、2014年だけで2億円が投入され、より安心してもらうための健康被害のリスクを、誤解を恐れずに言うならば、“教育する”ことに使用されました。福島県内または近郊の小学生に対して放射能やがんについてのワークショップを企画したり、放射能と上手に生きる方法を学ぶための冊子を配ったり、はたまた汚染地域の生鮮食品を除染が行き届いていることをアピールしながらテレビで応援キャンペーンをしたり・・・

Fruits et légumes en provenance de la région de Fukushima et mis en vente
© C. ASANUMA-BRICE

福島からの野菜や果物を売る為の報告。「福島の農家を応援しましょう!」

 

Q,この戦略はすでにチェルノブイリで使用されたプログラムに基づいています。

福島の惨事の対策管理に関わっている当事者の一部は、チェルノブイリでも“管理”していた人たちです。特にCEPN(原子力分野における保護評価に関する研究センター)代表のJacques Lochard(ジャック・ロシャール)や、上限値を年間100ミリシーベルトにあげることを強く勧めた張本人である医師・山下俊一、福島医科大学教授・丹羽大貫などがそうです。3人目の精神科医は、精神疾患や自殺数の上昇が故郷から離れたところでの生活によるものだとして、住民たちの帰還を推奨しています。実際のところ、被災者には今後の選択肢の自由が与えたれていません。移住するための費用や移住地で順応するための足がかりが一切ないですから。要するに、彼らは汚染された環境で生活することを強制されているのです。これはチェルノブイリのエートス(※2)に続く、福島のエートスのプログラムの一環で、どちらもジャック・ロシャールが率い、山下、丹羽両氏が重要な役割を担っています。このプログラムは、放射線保護にかかるコスト対経済効果で算出したものを基に作られています。移住にかかるコストがあまりにも高額なため、汚染された環境で生活する術を住民たちに身に付けてもらうことが目的です。

(※2 原発ロビー・原子力ムラなどの世界にはびこる原発推進派集団)

また、これは汚染地域の食品を消費してもらうことで、被災した地域の経済を再建する目的もあります。全国のスーパーチェーンと協定が結ばれ、被災地が産地のものばかりを売るように方向付けられているのです。

Ville de Tomioka, à quelques km de la centrale nucléaire.
© C. ASANUMA-BRICE

避難区域解消:富岡市、福島第一原発から数キロ

 

Q,被災者たちの反応は?

A、これらの洗脳行為は、命が関わっているだけに抵抗する人も少なくありませんが、一部では機能しています。実際、このコミュニケーション戦略は、行き過ぎた場合は心理操作にまで及ぶことがあります。例えば、福島から移住した子供たちに故郷の産物を懐かしんでもらうために、ワークショップを開く。福島の自治体関係者や精神科医などが、移住した家族に連絡を取り、離れ離れになった同級生や同年代の子供たちと再会する場を設けたいと言う。そこで、産地(祖父母がいる土地名など)を明らかにしながら一緒に料理をさせる。そのようにして子供をホームシックにかからせ、友達や故郷を置き去りにしたことを後悔させる。そのすべては偽りなのに、残念なことにうまくいってしまう。新しい土地にやっと慣れてきた子供が、家に帰るなり「いつ(福島の)おうちに帰るの?」と家の人に聞いてしまう・・・。騙されていない家族ももちろんいます。被災者が新しい土地に順応できるようネットワークを強化したり、嵌ってはならない罠に関する学集会を開いたりしている人たちもいます。